Par le Père Guillaume Leclerc
L’âne a perdu de son prestige, et cela ne date pas d’aujourd’hui. Alors qu’il était encore considéré à l’époque des Juges et des Rois comme une monture princière (…avec un surcroît de dignité pour les ânesses), il n’était plus au temps du Christ qu’un pauvre accompagnement pour les paysans.
Jésus, en choisissant un petit âne pour entrer dans Jérusalem, n’a pas eu peur du ridicule. Sans souci des grandeurs de façade, il a voulu accomplir le message des prophètes, en roi doux et humble de cœur, à l’image de cet animal tout simple.
Dans la Bible, cependant, l’âne n’est pas seulement un signe d’humilité. “Hamor”, le mot qui le désigne en hébreu, signifie aussi le corps, la matière – en bref la carcasse humaine, avec tout son poids de vie. Monter un âne, de façon symbolique, c’est dominer la matérialité. C’est bien à cela que le Christ nous invite en ce début de Semaine sainte : prendre en charge nos pesanteurs, et avancer avec lui.
“Je me suis fait comme une bête de somme auprès de toi, et je suis toujours avec toi”, dit le Psaume 72. Aujourd’hui encore, cette parole qui a fortifié tant de moines et de spirituels peut me soulager. Si j’accepte d’accompagner le Seigneur en âne docile, et de porter ma part du fardeau, je resterai toujours avec lui. Avec lui, je pourrai servir, prendre le repas et prier. Avec lui, je pourrai laisser mourir ce qui en a besoin, les éléments nécrosés de ma vie.
Et avec lui aussi, je trouverai enfin la vie à laquelle j’aspire.