Par le Père Antoine Vairon
« Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donné à faire ». Ces paroles de Jésus au début de la grande prière sacerdotale, le fameux chapitre 17 de l’Evangile selon saint Jean, pouvaient habiter l’âme du père François Marxer alors qu’il remettait sa vie entre les mains du Père au matin du mercredi 14 juin.
Après de très longues années de lutte contre la maladie, cachée aux yeux de beaucoup, mais connue de ses plus proches, le père François a achevé sa course apostolique. Comme il l’avait évoqué dans son homélie de jubilé d’or il y
a tout juste un an, reprenant les mots de l’apôtre : « J’ai combattu le bon combat, j’achève ma course, j’ai gardé la Foi ».
Dans cette homélie prononcée en l’église Sainte-Thérèse, il nous livrait quelques précieuses réflexions sur la vie de prêtre, avec son style inimitable, dans lequel jaillissaient des traits, devenus au fils des ans plus stimulants que mordants, qui toujours aiguisaient la pensée et rappelaient à la vivacité de l’agir chrétien.
Ecoutons-le donc de nouveau :
« Se donner, et ici l’on cède bien facilement à l’illusion lyrique d’un cantique inspiré de notre Thérèse : « Aimer, c’est tout donner… », et la propagande vocationnelle insiste : « Voyez vos prêtres, ils ont tout donné ! » Voire, quelle prétention ! En revanche, chacun de nous peut dire sans rougir qu’il a tout reçu (« Qu’as-tu que n’aies reçu ? » nous demande l’Apôtre Paul) et qu’il a offert sa disponibilité à tout recevoir avec simplicité et reconnaissance ; et ici encore, toujours saint Paul : « Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, et sa grâce, venant en moi, n’a pas été vaine. Peut-être me suis-je donné de la peine plus que tous les autres ; à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi. »
Se dire enfin. Notre parole, les années passant, sait se faire modeste et n’est plus le psittacisme des perroquets bien élevés, propagandistes bavards et répétitifs. Notre parole n’est pas celle du parti ou du système, elle n’est pas la nôtre et pourtant elle est intensément nôtre, infiniment personnelle, quand elle veut prendre sa source dans le Verbe de Dieu, elle vient du silence du Verbe et elle reconduit au silence filial de l’adoration.
Son ministère rendu et achevé, le prêtre n’a plus qu’à disparaître, à s’effacer, c’est la condition même du serviteur. Nous le pressentons tous : « Quand tu seras vieux un Autre te mettra ta ceinture et t’emmènera là où tu ne voudrais pas aller… » (Jn 21, 18). Notre renoncement est là, nous renonçons pour rien, pour un rien, car, me l’aura rappelé Marie Noël, Dieu est-il plus qu’une miette de pain et une goutte de vin dans mes veines pour calmer la faim et étancher la soif de l’immense Désir. Et nous prêtres, nous sommes possédés par ce Désir-là. »
Paroles offertes au terme de cinquante années de ministère qui l’auront conduit de sa Lorraine natale, à laquelle il aura toujours conservé un profond attachement, aux rives de Seine, plus propices au déploiement de son enseignement universitaire. Mais, aussi, paroles ouvrant sur ce qui allait se révéler une ultime année, éprouvante, durant laquelle son courage au quotidien était devenu chemin d’humilité.
Mais comment ne pas garder surtout en mémoire la dernière vigile Pascale célébrée au sein de cette communauté de la paroisse Sainte-Thérèse qui l’a tant soutenu, entouré, réconforté ces dernières années ? (Soyez en profondément remerciés). Tous les participants ont été témoins de sa joie débordante de proclamer ainsi le triomphe du Ressuscité face à toute forme de souffrance et à la mort même. Et de communiquer ce don incomparable à ses chers catéchumènes, les enfantant au Christ dans les eaux baptismales.
Ce Seigneur tant cherché dans l’étude et la prière, tant aimé jusque dans les obscurités des nuits mystiques, tant prêché avec fougue et originalité, tant communiqué dans l’art de la conversation spirituelle comme sous sa plume d’auteur, va être désormais la Vérité contemplée sans voile et la plénitude enfin possédée d’une amoureuse et inlassable étreinte.
« Cher François,
Les paroissiens de Ste-Thérèse sont tristes, aujourd’hui, de ton départ vers le Seigneur.
Mais nous savons que tu es bien arrivé, et que tu as enfin rencontré Celui que tu as servi pendant plus de 50 ans.
Sans doute as-tu déjà demandé un entretien à Sainte Thérèse pour continuer à développer tes intuitions théologiques.
Au nom de la communauté paroissiale de Ste-Thérèse de Rueil, que j’accompagne depuis 3 ans, je t’adresse un grand grand merci pour tout ce que tu nous as donné.
Ta présence, ton aide et ta disponibilité m’ont beaucoup aidé à bien accomplir ma mission. Prie pour nous. » Père Alfredo