Par le Père Antoine Vairon
L’expression est forte. Elle est du pape François, dans sa ‘Lettre au peuple de Dieu’ de 2018.
Si l’Eglise est particulièrement douce dans ses recommandations du jeûne obligatoire (uniquement le mercredi des Cendres et le Vendredi Saint, pour les personnes entre 15 et 60 ans ; et abstinence de viande les vendredis de carême), elle offre cependant ce moyen spirituel parmi ceux qui permettent de revivifier notre vie chrétienne.
La grande quarantaine du Carême, dans laquelle nous sommes engagés, est un moment privilégié pour redécouvrir la valeur, la pertinence et la force du jeûne, comme Jésus l’a enseigné à ses disciples. « Et toi quand tu jeûnes… ton jeûne sera connu seulement de ton Père qui est présent au plus secret ; ton Père qui voit au plus secret te le rendra. » (Mt 5, 17-18). Et Jésus nous engage à pratiquer ce qu’il nous enseigne. « Celui qui écoute ce que je vous dis là et qui le met en pratique ressemble à un homme sensé qui construit sa maison sur le Roc » (Mt 7, 24).
Pourquoi jeûner ?
Jeûner pour nous unir à Jésus.
Le Carême, de par sa durée même, s’enracine dans le temps que Jésus a passé au désert au seuil de son ministère public. Temps durant lequel il a été vainqueur de la tentation et nous fortifie sur le chemin de cette victoire.
Jeûner pour partager
Ce que je ne dépense pas du fait de mon jeûne, je peux l’offrir, directement ou via une association, pour des personnes qui ont du mal à se nourrir. Dans les premiers temps de l’Eglise, il arrivait aux familles chrétiennes de jeûner pendant plusieurs jours pour aider d’autres familles à vivre.
Jeûner pour faire pénitence personnellement
Se priver volontairement de nourriture pour affermir notre volonté face aux tentations qui prennent le pas sur cette même volonté lorsqu’elle manque de force. Faire ce geste d’ascèse et le présenter avec humilité à Dieu dans notre prière comme un remède à notre orgueil et en pénitence pour nos péchés. Se limiter en nourriture, et dans le même temps faire davantage de place à la méditation de la Parole de Dieu et au dialogue de la prière.
Jeûner pour faire pénitence collectivement
Et là, il nous faut écouter ce que le pape François dit dans cette ‘lettre au peuple de Dieu’.
« Conjointement à ces efforts [pour rendre justice aux victimes d’abus et œuvrer à la sécurité dans l’Eglise], il est nécessaire que chaque baptisé se sente engagé dans la transformation ecclésiale et sociale dont nous avons tant besoin. Une telle transformation nécessite la conversion personnelle et communautaire et nous pousse à regarder dans la même direction que celle indiquée par le Seigneur. Ainsi saint Jean-Paul II se plaisait à dire : « Si nous sommes vraiment repartis de la contemplation du Christ, nous devrons savoir le découvrir surtout dans le visage de ceux auxquels il a voulu lui-même s’identifier » (Lett. ap. Novo Millenio Ineunte, n.49). Apprendre à regarder dans la même direction que le Seigneur, à être là où le Seigneur désire que nous soyons, à convertir notre cœur en sa présence. Pour cela, la prière et la pénitence nous aideront. J’invite tout le saint peuple fidèle de Dieu à l’exercice pénitentiel de la prière et du jeûne, conformément au commandement du Seigneur[1], pour réveiller notre conscience, notre solidarité et notre engagement en faveur d’une culture de la protection et du « jamais plus » à tout type et forme d’abus. (…)
La dimension pénitentielle du jeûne et de la prière nous aidera en tant que peuple de Dieu à nous mettre face au Seigneur et face à nos frères blessés, comme des pécheurs implorant le pardon et la grâce de la honte et de la conversion, et ainsi à élaborer des actions qui produisent des dynamismes en syntonie avec l’Evangile. Car « chaque fois que nous cherchons à revenir à la source pour récupérer la fraîcheur originale de l’Évangile, surgissent de nouvelles voies, des méthodes créatives, d’autres formes d’expression, des signes plus éloquents, des paroles chargées de sens renouvelé pour le monde d’aujourd’hui » (Exhort. ap. Evangelii Gaudium, n.11). (…)
En même temps, la pénitence et la prière nous aideront à sensibiliser nos yeux et notre cœur à la souffrance de l’autre et à vaincre l’appétit de domination et de possession, très souvent à l’origine de ces maux. Que le jeûne et la prière ouvrent nos oreilles à la douleur silencieuse des enfants, des jeunes et des personnes handicapées. Que le jeûne nous donne faim et soif de justice et nous pousse à marcher dans la vérité en soutenant toutes les médiations judiciaires qui sont nécessaires. Un jeûne qui nous secoue et nous fasse nous engager dans la vérité et dans la charité envers tous les hommes de bonne volonté et envers la société en général, afin de lutter contre tout type d’abus sexuel, d’abus de pouvoir et de conscience.
De cette façon, nous pourrons rendre transparente la vocation à laquelle nous avons été appelés d’être « le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (Conc. Oecum. Vat.II, Lumen Gentium, n.1).
La proposition d’une semaine paroissiale de jeûne, à partir de ce lundi matin (introduction : dim. 5 mars, SPSP 19h15), s’inscrit dans cette dimension communautaire, et elle offre un soutien pour la démarche personnelle que chacun peut vivre envers le Seigneur. Le jeûne au pain et à l’eau est présenté page 2 (et tracts dans les présentoirs), ou vous pouvez-vous y associer de la manière que vous souhaitez. Le RDV de prière chaque soir est ouvert à tous (SPSP 20h-20h30 puis échange fraternel autour d’une tisane pour ceux qui peuvent prolonger un peu).
Le 3ème vendredi de Carême, soit le 17 mars 2023, est la journée consacrée à la prière ‘pour les personnes victimes de violences et agressions sexuelles et d’abus de pouvoir et de conscience au sein de l’Eglise’. Ce jour-là, nous sommes invités à offrir particulièrement notre jeûne, et le chemin de Croix sera médité dans chacune de nos quatre églises.
[1] « Mais cette sorte de démons ne se chasse que par la prière et par le jeûne » (Mt 17,21).