par le Père François Marxer
La communion des saints. Le dogme le plus étonnant que nous proclamons chaque dimanche dans notre Credo : « Je crois en l’Esprit Saint, à la sainte Eglise catholique, à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle. » Un défi à la médiocrité des hommes et à l’usure du temps. Si je voulais faire savant, je vous parlerais de la « réversibilité des mérites » ; en clair, une formidable solidarité des baptisés entre eux et avec le monde, où l’on partage les réussites et les bons résultats des uns et des autres qui avancent tant bien que mal dans la vie et où l’on éponge les déficits des âmes en peine.
Pour vous en donner une idée, j’écoute avec vous ce que nous raconte, Marie Noël, la “ fauvette d’Auxerre ”, comme on l’a appelée :
Aujourd’hui, après déjeuner, j’avais très mal. Je suis allée marcher loin dans la campagne. Au retour, sur la route, j’ai rencontré une femme. Je la connaissais à peine. Je ne savais pas son nom.
Elle m’aborda en hésitant… en titubant. Elle était saoule.
« Alors, vous venez de faire la promenade.
– Oui, vous voyez. Il fait très beau. »
Un silence. S’éloigne-t-elle ? Elle se rapproche.
« Mademoiselle, j’ai votre portrait dans ma maison. Sur un journal. Je l’ai épinglé au mur. Vous êtes assise près d’un puits… Je vous regarde… Je vous respecte.
– Oh ! c’est bien gentil à vous.
– Mademoiselle, il ne faut pas croire tout ce que les gens vous disent de moi.
– Mais on ne m’a rien dit de vous…
– Oh ! vous, Mademoiselle, vous êtes une brave femme.
Une brave femme. » Je pense à beaucoup d’autres choses. Je répète : « Oui, une brave femme. »
– Moi, ils m’appellent la Soulotte.
– Eh bien! si vous aimez boire un petit coup de temps en temps…
– Oh ! souvent ! presque tout le temps !
– Ce n’est pas un bien grand péché.
– Je rends service tant que je peux. Le Bon Dieu le voit. »
Elle me prend la main, la presse fort, approche du mien son visage aviné, boursouflé et rouge. Je devine ce qu’elle voudrait … Je l’embrasse sur les deux joues.
Elle pleure. Je pleure aussi.
Elle m’a fait beaucoup de bien, la pauvre Soulotte !
J’avais grand besoin d’elle à ce moment-là.
Des rencontres comme ça où chacun, chacune partage son malheur et l’espoir d’en sortir, ça vous sanctifie la journée. Et ça nourrit la prière :
« Quelquefois aussi je me présente à Dieu comme une porteuse de peine, chargée de tous les fardeaux du voisinage et je Lui dis : « Ne faites pas attention à moi. Je ne peux pas Vous plaire. Regardez seulement les souffrances que je Vous apporte comme une pauvre commissionnaire qui vient de la part des autres. Voici le mal de mon père, voilà celui de mon ami, celui de tel et de tel autre … »