Fin de vie : ne détournons pas le regard
par Erwan Le Morhedec
Le 8 avril dernier, une proposition de loi instaurant l’euthanasie en France a failli être adoptée. Un mois plus tard, 300 députés ont exigé que la question soit remise à l’ordre du jour. Nous sommes donc à la veille de la mise en place de l’euthanasie en France, dans un mélange d’ignorance, d’indifférence et de résignation.
Disons-le sans détour, le geste en lui-même a de quoi révulser. Quoi que l’on dise et quelles que soient les périphrases que les promoteurs de l’euthanasie emploient (« assistance médicalisée à mourir », « fin de vie libre et choisie »), il s’agira toujours d’administrer la mort – de tuer.
On peut pourtant comprendre les revendications. Nombre d’entre elles viennent de personnes qui ont connu l’agonie insupportable d’un proche, quand la douleur n’était pas prise en charge comme elle l’est le plus souvent aujourd’hui. Certains ont connu aussi l’époque où, faute de traitements de la douleur adaptés, des euthanasies se pratiquaient sans le dire. Mais précisément, s’il y a un sens du progrès, il nous éloigne de ces pratiques d’un autre temps. Revenir à l’euthanasie serait un échec. Depuis un peu plus de 30 ans, souvent à l’initiative de chrétiens, les soins palliatifs se sont développés. Dans de nombreux services, un accompagnement global est mis en place, par le traitement des douleurs, celui des angoisses, par l’écoute et par de multiples et inventives initiatives. Là est le progrès, et la seule véritable option que devrait prendre notre pays serait d’assurer des soins palliatifs partout en France, ce qui est encore loin d’être le cas. Plusieurs paroissiens sont d’ailleurs engagés activement en ce sens, comme soignants ou bénévoles.
Au soutien de l’euthanasie, beaucoup invoquent la liberté, au mépris de la fraternité. Principe nécessaire, la liberté est aussi un principe désincarné en fin de vie. On peut brandir le glorieux flambeau de la liberté quand on est bien-portant, sur un plateau télévisé, mais la réalité d’une fin de vie marquée par la maladie est celle d’un cumul de pressions : pression de la maladie elle-même, qui fait peser la décision sur une personne parfois épuisée ; pression latente d’une culture qui valorise la jeunesse, la performance, l’autonomie ; pression implicite des proches (parfois bienveillante mais réelle), et dépendance médicale car quoi qu’on dise la personne gravement malade est dépendante des soignants. Ce sont alors les plus démunis qui subiront la plus grande contrainte. Aujourd’hui, certains doivent continuer à vivre alors qu’ils voudraient mourir, ils réclament la légalisation de l’euthanasie. Demain, d’autres se résigneront à mourir, on dira qu’ils ont fait un choix, et ils ne seront plus là pour le démentir. Peut-on accepter en conscience qu’une seule personne puisse être euthanasiée sans même le vouloir ? C’est au nom de ces plus petits d’entre les Siens que nous devons réagir.