De l’avenir qui vient (ou dernières nouvelles du passé)
Par le Père François Marxer
Plongeons d’abord dans notre histoire lointaine. Il y a 400 ans, en 1619, le P. Joseph, notre prestigieux (mais bien oublié) compatriote rueillois*, réussit un coup de maître : il avait pris en charge les destinées d’une toute jeune congrégation de moniales qui voulait revenir avec sérieux à la première Règle de saint Benoît, si largement dévoyée dans les monastères de ce temps-là. La nouvelle fondation avait pris naissance à Poitiers en octobre 1617 – ce que nous avons fêté il y a deux ans.
Or voilà que la fondatrice, Antoinette d’Orléans, meurt six mois après cette fondation. Le P. Joseph, fougueux capucin, pasteur incomparable, qui l’avait aidée dans cette éclosion, pouvait-il abandonner ce « paradis de contentement et de progrès spirituel » où il mettait tous ses espoirs d’y voir « en herbe l’espérance d’une belle moisson pour les greniers de Dieu » ? Nous sommes en 1619, et quatre moniales arrivent fin avril à Angers, à la demande de la municipalité et avec la bénédiction de l’évêque. L’installation ne va pas sans remous, mais le P. Joseph veille au grain.
Pourquoi Angers ? Tout d’abord parce que cette cité est sous la protection de la Reine Mère qui fera établir une communauté de ces Bénédictines du Calvaire dans son palais du Luxembourg (l’actuel Sénat) : question de piété, de ferveur et… de prestige ! Angers aux portes d’une Bretagne au catholicisme farouchement irréductible, c’est le départ de l’éclosion de la Congrégation que le P. Joseph voue à soutenir “mystiquement” la revitalisation du catholicisme français et européen, tant à l’intérieur (il lance ses missions d’évangélisation en Poitou protestant) qu’à l’extérieur (libérer du joug ottoman les communautés chrétiennes du Levant, de la Terre sainte en particulier).
2019. Dans la douce quiétude d’un matin d’automne, Angers s’éveille, tandis que, de clocher en campanile, s’égrène l’Angelus, la Joyeuse Annonce de l’Incarnation du Fils de Dieu. Sur les hauteurs d’Outre-Maine, le couvent des Bénédictines, vaillamment tenu par quatre d’entre elles, et qui aura accueilli en ses murs une communauté des Grands Carmes, fleuron de la réforme de Touraine au XVIIe siècle. Au pied de ces bâtiments puissants et volontaires du Grand Siècle, que la communauté, dispersée par la tourmente révolutionnaire, aura patiemment rachetés, comme un trésor précieux et inouï, un immense jardin, prolifique potager, ombragé de bosquets où s’entend la symphoniale communion des oiseaux, et qui fera les délices en chacun de ses repas, et de la communauté et de ses hôtes. D’où l’idée qui a germé dans l’esprit de Mère Marie, la prieure générale, de créer en ce lieu de plein centre-ville, un espace d’écologie intégrale, dans l’esprit de Laudato Si du pape François : pas seulement un terrain où poussent haricots verts, tomates et potirons bio, mais où, dans une sérénité paisible et la douceur de la prière, les cœurs si souvent asséchés ou angoissés retrouveront leur viridité étiolée, et les âmes, leur floréale splendeur, promesse de vivace générosité qui fera la gloire du Jardinier céleste que la vigilante Marie Madeleine aura rencontré au matin de Pâques.
Un défi audacieux que vous aurez à cœur de suivre (et d’encourager) sur le site www.benedictines-ndc.com. Comme quoi, vous voyez qu’un anniversaire, loin d’être nostalgie d’un passé lointain et peut-être glorieux, en tout cas enfui, est avant tout prospective de l’avenir qui vient et qui attend notre capacité créatrice à l’accueillir et à le recevoir.
* Vous connaissez sans doute la Maison du Père Joseph, sise boulevard Richelieu, où il est mort le 18 décembre 1638