Trois ressorts de notre œcuménisme
par le P. Antoine Vairon
Faudrait-il se résigner à voir passer la ‘semaine pour l’unité des chrétiens’ comme les vols des oiseaux migrateurs, qui glissent chaque année à la même période, sans trop bouleverser notre quotidien ? Tout observateur un peu lucide sait bien que depuis des années, la dynamique œcuménique peine à retrouver de l’allant. Les rencontres organisées ne déplacent pas des foules et risquent même de devenir le rendez-vous des seuls habitués.
Nous ne saurions sous-estimer, dans ce phénomène, la conséquence de l’immense effort et travail accomplis par le mouvement œcuménique depuis la seconde moitié du XIXème siècle et qui portera un fruit tout particulier, dans l’église catholique, par le Concile Vatican II. Bien loin derrière sont désormais relégués les oppositions violentes, mais même aussi les attitudes méprisantes ou distantes.
Pour s’interroger sur la place que prend dans notre vie de catholique la relation aux frères chrétiens d’autres confessions, je vous invite à réfléchir à trois aspects qui peuvent agir comme autant de ressorts.
La curiosité. Et même une curiosité mue par l’amour, puisque notre attachement personnel au Christ Jésus nous pousse à mieux le connaître. De là peut s’exprimer un désir d’être attentif à ce que les autres ont perçu du mystère du Christ et que je n’ai pas encore saisi. La manière même qu’ils ont d’en parler, de faire résonner telle ou telle phrase qu’Il nous a laissée est pleine d’enseignement. Grâce à la Foi des autres, ma connaissance du Christ prend du relief et déploie sans cesse de nouvelles harmoniques. Cela est vrai de toute rencontre avec des catholiques vivant réellement de leur lien à Jésus, mais cela prend un relief particulier avec ces chrétiens d’autres confession dont la tradition propre leur donne d’exprimer leur foi avec des accents et des formulations qui nous surprennent davantage par leur originalité au regard de notre tradition.
L’Esprit-Saint. Lui qui est l’Esprit conjoint du Père et du Fils, il nous est communiqué généreusement. Or le rôle de l’Esprit-Saint est toujours d’opérer l’unité : il unit et unifie. Relisons les mots pleins de force du Concile Vatican II lorsqu’il parle des liens avec les chrétiens non catholiques : « A cela s’ajoute la communion dans la prière et les autres bienfaits spirituels, bien mieux, une véritable union à l’Esprit-Saint, puisque, par ses dons et ses grâces, il opère en eux aussi son action sanctifiante (…). Ainsi, l’Esprit suscite dans tous les disciples du Christ le désir et l’action qui tendent à l’union paisible de tous, suivant la manière que le Christ a voulue, en un troupeau unique sous l’unique pasteur » (Constitution sur l’Eglise, n° 15) Plus notre vie sera ouverte à l’Esprit de sainteté, et plus cela sera sensible.
Le désir d’un authentique témoignage. Puisque nous savons que la prière de Jésus était de dire « Père, que tous soient un afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17, 21), alors nous ne pouvons que désirer que les liens entre chrétiens se resserrent pour que ceux qui ne se sont pas encore ouverts à la grâce du Christ puissent se laisser toucher et rejoindre. Au lieu d’oppositions qui pourraient servir de paravents et d’excuses, que l’entente cordiale des chrétiens soit au contraire une chose qui attire et inspire. Un curé de Tunisie me confiait voici quelques mois comment des musulmans de son pays sont venus voir les chrétiens pour leur demander comment ils arrivaient à s’entendre malgré différentes confessions, car ils pressentaient que cela pouvait les aider à trouver des chemins de concorde pour les divers courants de l’Islam entre lesquels les antagonismes sont forts. Pour ma part, en quatre mois de présence à Rueil, j’ai eu bien plus d’échange avec des protestants que cela n’était possible dans le contexte de ma paroisse précédente. Grâce au « Conseil des cultes de Rueil », j’ai pu rencontrer dès le mois de septembre les représentants de ces communautés. Rencontres de plusieurs couples mixtes, occasions multiples de se croiser avec les responsables, les points de contacts ont été nombreux. J’ai été invité début janvier au Conseil Presbytéral de l’Eglise unie de Rueil et très heureux de cette occasion de faire connaissance. C’est donc une réalité oecuménique vivante et fraternelle que je découvre ici.