Par le Père Marc Leroi
L’alternative est claire : se convertir ou périr. Ce n’est pas un vieil illuminé ou un prophète de malheur qui le dit. Ce n’est pas un fidèle excessif ou un clerc maladroit qui le proclame. C’est le Seigneur lui-même. Il serait facile d’édulcorer son discours, de le noyer dans des considérations pseudo-savantes ou de le diluer pour l’adapter à l’esprit contemporain. L’évangile est radical, que nous le voulions ou non.
« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. » De même que les victimes d’une répression ou d’un accident de chantier. Est-ce une promesse de mort violente ? Certainement pas. Il n’y a ici ni malédiction, ni annonce de châtiment, mais un rappel de la brièveté de la vie terrestre et du caractère imprévu de sa fin. Le Seigneur prévient les étourdis et les imprudents que nous sommes : nous risquerions d’être surpris en état d’impréparation.
N’accusons donc pas l’Église d’inventer des menaces pour effrayer les crédules. Remercions-la plutôt de nous réveiller de notre torpeur en laissant résonner la voix du Christ, douce et puissante à la fois. Lorsqu’on s’est réfugié dans une confortable tiédeur, il est facile de prétexter que le feu est trop chaud. Oui, elle brûle, la Parole de Dieu. Elle réduit en cendres les scories et les impuretés qui encombrent notre âme. À condition de la laisser pénétrer profondément en nous.
Ce feu est aussi celui qui réchauffe, celui de l’infinie bonté de Dieu, de son amour prévenant, de sa Providence. Le figuier peine à donner du fruit et le temps semble long à l’homme qui en a la charge. Le retour sur investissement est nul. Les indicateurs de performance sont au rouge. Les actionnaires réclament leur dû. La notation financière se dégrade. Vite : il faut trancher, sabrer, exclure et punir. Non, dit Dieu ! Il faut patienter, prendre soin, donner sa chance à ce qui a besoin de temps pour produire.
Heureusement pour nous… Pourquoi ne sommes-nous pas déjà saints ? Pourquoi avons-nous tant de mal à aimer ? Cela a au moins pour effet de révéler la bienveillance de Dieu envers nous. Il fait le pari de notre conversion et nous met en condition de la réaliser. Il retourne le terreau de notre vie spirituelle pour l’aérer. Il lui donne l’engrais de sa Parole féconde. Il espère en chacun de nous : « peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. »
Mais il y a un délai : dans l’évangile d’aujourd’hui, une année. D’ici Pâques, moins d’un mois désormais. Réconfortés par la sollicitude et la bienveillance de Dieu, nous pourrions tenter cette semaine un premier bilan de notre début de Carême, revenir s’il le faut aux résolutions que nous avions prises le mercredi des Cendres ou rendre grâce pour la fidélité que le Seigneur nous a déjà permis de vivre. Nous n’en serons que mieux disposés à accueillir dimanche prochain la joie du Lætare.