Par le Père Antoine Vairon
Alors qu’en ce dimanche de Pâques, l’Eglise entière, répandue dans tout l’univers, fait monter un chant tressaillant de reconnaissance vers Celui qui s’est relevé d’entre les morts, comment nos regards ne se tourneraient-ils pas vers cette terre sur laquelle il a plu à Dieu de réaliser l’œuvre de notre salut. Cette Terre Sainte meurtrie depuis si longtemps et sur laquelle les violences ne sont que trop cruelles et trop actuelles. Vers Jérusalem, la ville où ‘Dieu a voulu faire reposer son Nom’, vers cette église du Saint-Sépulcre, témoin de la vénération des fidèles du Christ à travers les siècles et vers ce tombeau, lieu précieux enchâssé comme dans un écrin… Ce tombeau vide, heureusement vide.
Ce tombeau ouvert, cette église unique entre toutes, cette ville désormais étendue et modernisée, cette terre âprement disputée où cette année seuls nos frères chrétiens locaux feront retentir les chants de la Résurrection, les ‘Alléluias’ de l’Espérance, dans l’attente du retour des pèlerins, foule « de toute race, langue, peuples et nations » (Ap. 7, 9). Cette foule dont la présence est tant désirée car elle constitue le signe que le salut du Christ est parvenu ‘aux extrémités de la terre’.
Heureuse fidélité de nos frères chrétiens de Terre Sainte. Heureux témoignage d’Espérance proclamé au cœur même des tourbillons tragiques de l’histoire humaine. Heureuse lumière de Pâques… ineffaçable.
La dernière fois que j’ai pu aller en Terre Sainte, j’ai emmené mes pèlerins loin de la ville, dans un endroit préservé, au creux des collines de Judée, en un lieu où se trouve un des rares tombeau à pierre roulée, contemporain de celui de Jésus car caractéristique du début du 1er siècle. Autour du tombeau ouvert, avaient poussé des coquelicots, dont les petites taches rouges, parsemant le sol en grappes éparses, m’ont fait penser à la fresque que Fra Angelico peignit au couvent San Marco de Florence pour une cellule des frères afin de représenter la résurrection. Dans cette fresque du ‘Noli me tangere ’*, le Ressuscité réveille le cœur de Marie-Madeleine en l’appelant par son prénom. Il la fait passer de la tristesse à la joie de la Foi, présence retrouvée du Seigneur Jésus dans sa vie. Matin de Pâques. Principe nouveau semé dans l’existence humaine. Toutes les formes de mort qui viennent meurtrir notre humanité peuvent trouver en Jésus vivant un retournement, un relèvement, un renouvellement, la douceur d’un pardon, une ouverture nouvelle… parfois inespérée. La vie rendue. La vie restaurée. La vie réouverte.
Dans notre société fascinée de nouveauté, avide de technologies inédites, souvent passionnantes, parfois légitimement inquiétantes, certains voudraient nous faire croire que notre salut individuel et collectif va résider dans des puces de silicone aux capacités sans cesse décuplées. Notre cœur, lui, aspire sans doute davantage à ce que son nom soit prononcé d’une manière singulière, celle que dévoile ce murmure de Pâques : « je te conduis à la vie ».
Les petits coquelicots parsemés autour du tombeau ouvert n’étaient pas de silicone. Ils étaient aussi frêles que vivants. Leurs légers pétales de pourpre semblaient annoncer que, malgré leurs souffrances, nos existences fragiles avaient raison de s’épanouir auprès du tombeau vide, car ce tombeau vide annonce une Espérance désormais offerte.
* ‘Ne me retiens pas’, paroles de Jésus à Marie-Madeleine