Par Francis Lapierre, diacre
Fête du Christ Roi (Mt 25,31-46) avec Ez 34 (11-17), Ps 22 : Le Seigneur est mon Berger et Paul 1Co 15 (20-28)
En ce dimanche du Christ Roi, les deux premières lectures nous présentent… un berger soucieux du repos de ses brebis ! Ézékiel nous dit : « La brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. Celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai, je la ferai paître selon le droit. Pour ce qui est du Jugement entre les béliers et les boucs, le Seigneur Dieu s’en chargera ! »
Le psaume 22 nous éclaire sur la suite de l’histoire : si l’une de ces brebis vient à mourir, le Berger traverse avec elle les ravins de la mort, il la nourrit et répand sur sa tête l’huile sainte des messies d’Israël ! Le lecteur devine alors que le troupeau de brebis est le peuple de Dieu que le Christ mène paître et qu’il prend en charge jusqu’au-delà de la mort.
Et que nous dit Paul dans sa première lettre aux Corinthiens ? Que le seul Berger ayant pouvoir de nous faire traverser la mort est le Christ lui-même car il a reçu de Dieu son Père le Pouvoir Royal qui lui permet de faire de ses ennemis et de la mort l’escalier de son trône. Quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils, alors tout pouvoir sera rendu au Père. Le Christ Roi a pouvoir sur la mort, telle est sa royauté !
Dans ce contexte, notre questionnement à la lecture du « Jugement dernier » de Matthieu sous la forme : « Suis-je du côté des brebis ou du côté des boucs ? » n’a pas grand sens.
À la fin de son enseignement, juste avant le récit de la passion, Matthieu, un juriste, nous met donc en présence d’un Tribunal, qui fait penser aux bas-reliefs égyptiens de la pesée de l’âme. L’incertitude qui gagne le lecteur – et que l’Église a beaucoup utilisée – doit beaucoup au génie littéraire de Matthieu qui reprend exactement le même texte pour les brebis et les boucs, d’autant plus que ni les unes ni les autres, n’ont perçu avoir croisé le Christ dans leur vie !
Mais arrêtons de penser à nous et comme le fait remarquer Marie-Noëlle Thabut la bibliste, intéressons-nous à ceux que nous signale Jésus : ceux qui ont faim et soif, les étrangers, ceux qui étaient nus, ceux qui étaient malades ou en prison.
Finalement, cette liste de « pauvres » qui intéressent tellement Jésus, ne nous renverrait-elle pas à une autre liste, que nous connaissons bien, celle des Béatitudes qui inaugure l’enseignement de Matthieu ? Neuf pistes nous sont proposées pour atteindre le Royaume des Cieux, nous avons donc le choix, Jésus n’impose rien ! Mais toutes passent par l’attention que nous devons à nos frères. Le Royaume des Cieux, oui, mais tous ensemble !
Ainsi, nous serons traités par Dieu comme nous avons traité nos frères. Finalement, nous sommes tous dans la main de Dieu et devons être confiants en sa miséricorde qui – voir les ouvriers de la onzième heure (Mt 20,1-16) – dépasse notre justice humaine, car il remet les dettes, même à l’imprudent qui a dépensé dix-mille talents ! (Mt 18, 27).