Par le Père Antoine Vairon
Dans la suite du déploiement de l’évènement de Pâques et de la lumière qu’il apporte, et dans la suite de cette si belle fête de Pentecôte qui est comme le tremplin auquel aboutit tout le temps pascal, la liturgie nous invite à célébrer notre Dieu dans le mystère de la Sainte Trinité.
On pourrait être surpris de cette solennité. Si nos célébrations nous unissent à tel ou tel événement de la vie du Christ, et donc en déploient aujourd’hui la grâce en nous, le mystère de la Sainte Trinité ne saurait se réduire à un événement, célébré dans un dimanche particulier. Il est de toujours à toujours à toujours, il est même antérieur au déploiement du temps, car il nous fait plonger, par-delà même la pauvreté des mots que nous employons pour l’exprimer, dans l’être même de Dieu.
Mais c’est aussi cela qui justifie la solennité de ce jour : affirmer que Dieu est Trinité est profondément original. C’est une caractéristique du Christianisme qui surpasse l’affirmation des grands monothéismes. Il convient donc d’avoir conscience de cette originalité. Il convient de réaliser que cela provient du dévoilement que nous en a fait Jésus lui-même. Et cela suscite notre émerveillement que d’être ainsi introduits, par Jésus même et dans le mouvement de l’Eprit-Saint « qui nous conduit à la vérité toute entière », dans l’intimité même de Dieu.
Cette solennité est notre prière tout emplie de la reconnaissance d’avoir été introduits dans cette intimité.
Certes, il faudra attendre Saint Augustin pour que soit inventé ce mot de Trinité, cette Tri-unitas, qu’il a forgé pour dire de la manière la plus concise possible une réalité aussi insondable.
Ecoutons le grand théologien suisse Hans Urs von Balthasar (1905-1988) nous exprimer comment cette affirmation est liée à celle que Dieu est Amour :
« Dieu est l’Amour : saint Jean l’affirme en s’appuyant sur l’expérience que nous avons pu faire de lui en Jésus-Christ. Mais d’après l’enseignement du disciple, il n’est pas Amour parce qu’il aurait trouvé en nous des objets à aimer, qui lui manquaient auparavant, en sorte qu’il aurait besoin de nous pour être l’Amour. Il est bien plutôt l’Amour en lui-même. Or l’amour, même celui dont on fait l’expérience en ce monde, échappe à toute définition ; s’il est authentique, il dépasse toute explication dans sa souveraine liberté.
Il ne tient sa nécessité que de lui-même. Aucun concept n’en saurait rendre compte. À plus forte raison, le pourquoi de l’amour absolu de Dieu dépasse-t-il irrémédiablement toute pensée. En affirmant que Dieu n’a pas besoin d’une créature pour être l’Amour, en affirmant que Dieu est en Lui-même l’Amour qui engendre, qui est engendré et qui s’échange, de sorte que cet échange ne cesse de produire le fruit éternel et le témoin de cet Amour, en affirmant donc que Dieu est trinité, nous prononçons des paroles sur un mystère impénétrable. Ce n’est que par analogie (une similitude dans une différence plus grande encore !) que nous pouvons parler de personnes en Dieu, ce n’est que par analogie (une similitude dans une différence plus grande encore!) que nous pouvons parler d’engendrement et de spiration, ce n’est que par analogie (une similitude dans une différence plus grande encore !) que nous pouvons parler de trois, car le nombre trois appliqué à l’Absolu signifie évidemment tout autre chose que le trois de la suite des nombres dans notre monde ».
Nos mots sont balbutiants devant l’immensité, mais chaque fois que nous disons dans nos doxologies « gloire soit au Père, au Fils et au Saint Esprit », chaque fois que nous l’exprimons dans nos chants ou dans nos prières, chaque fois que nous traçons cette prière si pleine du signe de la Croix sur nos corps, nous confessons que Dieu est amour, et que cette amour nous rejoint et nous entraîne.