Par le P. Antoine Vairon
Au premier matin de Pâques, pour beaucoup dans la ville de Jérusalem, aux quatre coins de l’empire romain dominateur et encore moins dans des contrées lointaines et encore inconnues, le monde ne semblait pas différent de la veille, et pourtant. Avec la pierre roulée et le sépulcre trouvé vide, un souffle inconnu jusqu’alors allait commencer à se répandre et ne plus s’arrêter.
Le monde peut bien continuer à tourner comme à son habitude ou même en introduisant des déploiements techniques toujours plus déconcertants, une nouveauté aussi douce que radicale a été introduite. Non pas la seule perspective d’un progrès, qui consiste bien souvent à vouloir faire ce qu’on n’arrivait pas à faire auparavant, dépendant toujours cependant de la même limite du dépérissement et de la mort, mais bien la perspective d’un renouvellement.
Et renouvellement de ce qui peut sembler le plus fragile, presque éphémère, alors qu’il s’agit du plus spirituel et du plus précieux : l’âme humaine.
La lumière de Pâques est bien lumière pour l’âme, car n’y a-t-il pas plus intime perspective que de s’entendre murmurer la promesse divine : « l’horizon de ton existence ne sera pas l’inéluctable mort » ?
Et peut-il y avoir attestation plus solide que l’engagement de Dieu dans l’histoire humaine, fondé sur la descente de Jésus au creux de la souffrance de la passion et de l’impensable de la mort pour y introduire le surgissement de la vie renouvelée : Résurrection.
Dans la nuit de Pâques cette année encore, des adultes et des jeunes ont reçu le sacrement du baptême, dans nos paroisses de Rueil comme en de multiples autres. Au matin de ce dimanche, ce sont des enfants qui accueillent ce même don précieux, sans aucune œuvre ou mérite de leur part, mais simplement parce que l’amour de leurs parents a souhaité qu’ils soient bénéficiaires de cette union à Jésus ressuscité que confère le baptême.
Un jour, lors d’une rencontre de préparation au baptême de tout-petits, une jeune maman nous avait partagé l’intuition fulgurante qui l’avait traversée à la maternité lorsque la sage-femme lui avait posé sur le ventre son dernier-né : « je lui ai donné la vie et la mort en même temps ». Conscience vive, non dénuée d’angoisse, qui l’avait menée à demander le sacrement de la nouvelle naissance pour ses trois enfants d’un coup.
Et quel réconfort pour des jeunes -et moins jeunes- parents, que de savoir que ce qui pourrait les inquiéter le plus au monde, la mort de leur enfant, a été englouti dans l’acte de la Résurrection de Jésus et de la communication de ce souffle vivifiant, par l’union que confère ce sacrement qui est le porche royal de tous les autres.
Perspective d’un horizon ouvert. De nos vies orientées et attirées par l’Amour du Père, qui sera le terme de notre pèlerinage terrestre et le dernier mot posé sur toutes nos fragilités, nos tâtonnements et nos incohérences, si nous le voulons bien.
A qui s’ouvre à cette perspective, à qui l’accueille comme une clef de son expérience individuelle, est donné de connaître ce frémissement intime : que notre vie ne sera pas perdue, ne sombrera pas dans les grisailles de l’oubli. Que ma vie, que toute vie, est précieuse et qu’elle soit orientée vers un déploiement d’éternité : voilà ce qui a été acquis et attesté dans le jaillissement du premier matin de Pâques.