Par le Père Guillaume Leclerc
Vaut-il mieux faire partie du peuple ou des grands de ce monde ? Un homme sage qui connaissait les chaumières et les palais, La Bruyère, nous a laissé son avis : « Le peuple me paraît content du nécessaire, et les grands sont inquiets et pauvres avec le superflu. Dans le peuple se montrent ingénument la grossièreté et la franchise ; dans les grands se cache une sève maligne et corrompue sous l’écorce de la politesse. Le peuple n’a guère d’esprit, et les grands n’ont point d’âme : celui-là a un bon fond, et n’a point de dehors ; ceux-ci n’ont que des dehors et une simple superficie. Faut-il opter ? Je ne balance pas : je veux être peuple. »
Alors que les Caïphe, les Hérode et les Pilate seront toujours travaillés par l’orgueil et le cynisme, le peuple a pour lui la simplicité. Elle lui permet de recevoir le meilleur. Bien sûr, la simplicité ne veut pas dire l’infaillibilité. La passion du Christ le montre bien : le peuple a vite fait parfois de se transformer en foule manipulable, vociférante et violente. Et chacun de nous peut se demander : Aurais-je été avec ceux qui reconnaissaient en Jésus leur roi, quand il entrait dans Jérusalem ? Aurais-je été avec ceux qui hurlaient et se moquaient, quand il était face à ses juges et ses bourreaux ?
Qu’est-ce qui fait la marque spécifique du peuple bien disposé, le jour des Rameaux ? Avant tout, ses membres reconnaissent que Celui qui vient les dépasse. Pour lui, ils sont capables de renoncer à leurs atours, de se défaire de leurs manteaux pour en faire un chemin, en un mot : de sortir des apparences. Cela déjà les rapproche du Christ, lui qui s’est dépouillé, « vidé de lui-même » (Ph 2), pour devenir semblable à nous.
Surtout, ils reconnaissent en Jésus celui qui accomplit les promesses d’Israël, celui qui incarne la plus haute espérance. Jésus vient nous donner sa paix qui n’est pas une platitude des bons sentiments, mais la plénitude : le peuple des Rameaux le sent. Avec confusion, « touché au cœur », il se le rappellera le jour de la Pentecôte. Entre les deux, il lui faut – et à nous aussi – traverser le Mystère pascal, suivre Jésus sur son chemin de mort et de résurrection, puiser à la source de son cœur.