Par le Père Guillaume Leclerc
« Après le grand pape Jean-Paul II, les cardinaux m’ont élu, moi, un simple et humble ouvrier de la vigne du Seigneur » : les premiers mots du pape Benoît XVI à la foule, le 19 avril 2005, n’avaient pas voilé son émotion ni son humilité. Loin de l’image injuste d’un prélat commandant en maître et faisant sentir son pouvoir, comme certains médias le présentaient, nous avons découvert un homme de Dieu doux, attentif aux autres, respectueux des petits comme des grands de ce monde.
Chaque pape doit déployer les vertus qui auraient été attendues de tout autre à sa place. Mais il lui revient aussi de déployer le don spécifique que lui seul a reçu. Pour Joseph Ratzinger, ce charisme personnel passait par la passion de la vérité, à travers le dialogue de la foi avec la raison – définition même de la théologie. Il se sentait appelé à être un des « coopérateurs de la vérité », au point d’en avoir fait sa devise.
Renoncer à sa mission de professeur pour être évêque lui avait déjà beaucoup coûté, en 1977 : devenir pasteur d’hommes impliquait en effet la fin d’une vie universitaire vouée à l’étude et à l’approfondissement. Une fois devenu pape, en 2005, il lui a fallu abandonner par surcroît toute vie personnelle, pour se faire tout à tous, au service de l’Eglise universelle. C’est alors, cependant, que ses talents d’enseignant ont porté le plus largement leur fruit. Il est vrai que la prière contemplative n’avait jamais cessé de nourrir sa réflexion, selon la maxime des premiers moines : « Si tu pries, tu es vraiment théologien. »
Ayant été confronté à la dictature nazie puis aux séductions du communisme, Benoît XVI ne nourrissait pas d’illusions sur les promesses de bonheur éternel de nos sociétés libérales. La disparition de la vieille chrétienté européenne le peinait sans doute, sans l’empêcher d’espérer. A travers ses discours, ses lettres, son grand ouvrage sur Jésus de Nazareth, sa priorité a toujours été de transmettre clairement les vérités de la foi. Il savait que le tronc émondé, tant qu’il est irrigué par cette sève, est une semence sainte.
C’est une figure de sainteté, précisément, qui nous a quittés pour rejoindre le ciel. Benoît XVI s’inscrit dans une longue chaîne de papes admirables et même vénérables, depuis plus d’un siècle et demi. « Admirables » ne veut pas dire « superposables » : nos pasteurs successifs ont fait face à des époques très changeantes, leurs actions se sont complétées, et il serait stérile de les comparer pour les opposer. « Admirables » ne veut pas dire non plus « sans limites » : on pourra toujours trouver que tel ou tel pontife a trop accentué parfois l’une de ses qualités, l’un se montrant un peu trop ferme, l’autre un peu trop diplomate, le dernier trop académique peut-être pour certaines circonstances. La justice montrerait que chacun a voulu donner le meilleur de lui-même, dans un discernement exigeant.
Rendons grâces pour ce que Benoît XVI nous a livré de meilleur, par sa vie et par son enseignement : l’amitié du Christ. « Dans cette amitié seulement », disait-il en inaugurant son pontificat, « nous faisons l’expérience de ce qui est beau et de ce qui libère. Ainsi, aujourd’hui, je voudrais, avec une grande force et une grande conviction, à partir d’une longue expérience de vie personnelle, vous dire, à vous les jeunes : n’ayez pas peur du Christ ! Il n’enlève rien et il donne tout. Celui qui se donne à lui reçoit le centuple. Oui, ouvrez, ouvrez tout grand les portes au Christ – et vous trouverez la vraie vie. »