Le dimanche consacré aux vocations nous invite à réfléchir aux choix mystérieux de Dieu, car les notions de vocation dans la vie courante et dans la vie religieuse ne sont pas reçues de la même manière par l’entourage.
Dans la vie courante, une vocation est perçue comme un privilège : voici quelqu’un qui sait ce qu’il veut faire de sa vie. Le voici donc motivé pour prendre les chemins nécessaires pour y arriver…
Quand on parle de vocation dans l’Église, un premier réflexe de paroissien consiste à s’affranchir de la proposition, en posant par principe que : « cela ne peut pas s’adresser à moi, comment Dieu pourrait-il avoir besoin de l’anonyme que je suis ? »
Une première remarque est que tout le monde a pensé cela, depuis Moïse : « Je ne sais pas parler : regarde du côté de mon frère Aaron, qui lui est un bon orateur. » Réponse de Dieu : « D’accord, je m’adresserai donc à toi et Aaron parlera au peuple… »
Une deuxième remarque est que pour être admissible à l’attention de Dieu, nous pensons qu’il faut prier de longues années, faire des retraites et se former… longtemps, « et je n’ai ni le temps ni les aptitudes ! »
Alors, apprenez comment Dieu est venu me chercher un jour d’agacement et de mauvaise humeur…
En 1992, l’Église de Nanterre organise un synode pour recenser les forces dont elle dispose. Pendant la préparation, considérant l’âge élevé des prêtres (déjà !), je me dis qu’il faudrait les soulager des taches matérielles en créant des gérants de paroisse (cadres jeunes retraités) qui eux, gèreraient les relations de l’Église avec la mairie, les autorités en général, les artisans et les corps d’état qui interviennent dans le cadre de l’entretien du bâtiment, car, disais-je : « l’ordination ne donne pas des lumières sur tout ! Que nos prêtres se chargent d’abord de la Parole ! »
Au synode : déception ! Je comprends vite que l’Église – comme d’habitude – recense ce qu’elle connait : une session sur les prêtres, une sur les diacres et une sur les laïcs en charge ecclésiale. Rien sur la nouveauté et je me dis que je suis venu perdre mon temps. D’ailleurs je ne garde aucun souvenir de la session sur les prêtres. La semaine suivante, je participe à la session des diacres en trainant les pieds. Nous nous retrouvons par petits groupes (Assemblée particulière n°5), pour faire remonter des idées. Et des idées il y en a !
« Si nous voulons des diacres, il faut qu’ils soient jeunes, parce qu’une Église de retraités, non merci ! Mais aussi, on les veut bien formés, parce qu’annoncer la Parole, ce n’est pas rien. Alors, s’il leur faut du temps pour se former, peut-être faut-il qu’ils aient une certaine fortune pour ne pas être obligés de travailler tout le temps… » Et là, j’éclate de rire en moi, imaginant un jeune papou de Nouvelle Guinée réveillé un matin par L’Esprit lui murmurant à l’oreille : « J’ai une place pour toi à Rueil-Malmaison ! » C’était à peu près aussi vraisemblable !
Je me retrouve debout, et dis face au groupe : « Si nous voulons des diacres, ils sont ici parmi nous ! »
Et là, je sens une main affectueuse se poser sur mon épaule droite et me pousser vers l’avant et une voix me souffle : « Répète ce que tu viens de dire, imbécile ! ». Je garantis que tout est vrai, surtout et d’abord le terme d’imbécile ! Je venais de me piéger tout seul…
Suivront cinq ans de discernement et de formation conduisant, trois mois avant l’ordination, à l’expérience d’une paix totale. Dans la Bible, Dieu appelle : « Samuel ? » et le jeune répond : « Me voici. » C’est simple ! Moi, Dieu m’a appelé pendant dix ans à travers des paroissiens de St Joseph, et trois mois avant l’ordination, j’ai su que j’étais à ma place, arrivé en paix, comme un bateau entre au port…