Miser sur un autre style de vie
Dominique Pelloux-Prayer
Le pape François nous a invités à célébrer du 16 au 24 mai une semaine Laudato Si’ (LS). Avons-nous vraiment pris au sérieux ce texte prophétique paru il y a cinq ans ? Constatant « ce qui se passe dans notre maison commune » (pollution, changement climatique, perte de biodiversité, dégradation sociale, inégalité planétaire,…), le pape nous y invitait à « ralentir la marche » (LS 114) pour réfléchir aux racines humaines de cette crise écologique.
Ralentir la marche ? Impossible, pensions-nous, nous avons tant à faire ! Mais depuis deux mois, bon gré mal gré, beaucoup de nos projets indispensables ont été repoussés, annulés… Mettons-nous ce temps à profit pour réfléchir à notre avenir à partir du diagnostic posé dans ce texte ? Celui d’un être humain qui est le jouet du « mensonge de la disponibilité infinie des biens de la planète » (LS 106), dont la base de l’existence s’écroule s’il se pose en dominateur absolu (LS117), où « les pauvres souffrent davantage des plus graves effets de toutes les agressions environnementales » (LS48), dont la technologie – qui, bien orientée, est capable de produire du beau (LS103) – est trop souvent tirée seulement par le profit et le consumérisme (LS109, 34)?
L’enjeu n’est pas mince. Nous avons reçu la Terre pour la garder et la cultiver (Gn2). Si nous ne sommes pas capables de laisser une planète habitable aux générations futures, « cela met en crise le sens de notre propre passage sur cette terre » (LS160). Cette préoccupation s’ajoute à la pensée sociale développée par l’Eglise depuis plus d’un siècle : recherche nécessaire du bien commun, qui requiert la paix sociale, laquelle ne se réalise pas sans justice distributive (LS157), solidarité et option préférentielle pour les plus pauvres (LS158), destination commune des biens (« celui qui s’approprie quelque chose, c’est seulement pour le bien de tous » (LS95) !).
Tout nous est donné : « La terre m’appartient, vous n’êtes pour moi que des étrangers et des hôtes », dit le Seigneur (Lv25, 23).
Tout est fragile, nous le percevons bien pendant la crise actuelle, ou lorsque le dérèglement climatique devient patent.
Tout est lié, le pape le répète sans cesse, « la clameur de la terre et la clameur des pauvres » (LS49).
Mais si tout est lié, le vertige peut nous saisir. Qu’y pouvons-nous ? Par où commencer ?
Là encore, Laudato Si’ nous ouvre des pistes d’action, qui pourront être approfondies lors des deux réunions proposées les 27 mai et 10 juin par les Semaines Sociales de Rueil (voir annonce plus bas). Pousser au dépassement du court-termisme politique, dépasser le « consumérisme compulsif » et l’individualisme, être heureux dans la sobriété…
Pourquoi ne pas commencer par notre vie, notre ville, pas à pas ? C’est une vraie « conversion écologique » à laquelle nous appelle François, en misant sur un autre style de vie.
« Vivre la vocation de protecteurs de l’œuvre de Dieu est une part essentielle d’une existence vertueuse ; cela n’est pas quelque chose d’optionnel ni un aspect secondaire dans l’expérience chrétienne » (LS 217).