« La joie du Seigneur est notre rempart » !
P. Antoine Vairon
Il y a des inspirations qui révèlent leur portée ensuite. Lorsque dimanche dernier nous nous retrouvions pour la première fois à passer un dimanche sans pouvoir nous retrouver pour célébrer la messe ensemble, nous étions tous bouleversés par la situation, sans bien réaliser encore qu’il s’agissait d’un premier pas vers des mesures plus fortes, pas simplement pour nos paroisses, mais pour notre nation entière.
Pour la première fois, nombre d’entre vous suivaient la messe de leur propre paroisse, à quelques encablures de l’église, par le moyen de la retransmission sur les réseaux sociaux. Et à la fin de la célébration, au moment de l’envoi dans la paix du Christ, m’est revenue la salutation que les diacres italiens ajoutent parfois à la formule liturgique d’envoi, en disant : « La joie du Seigneur est notre rempart ! ».
Cette exhortation, de saveur biblique, est pleinement adaptée au temps du carême, puisqu’elle est tirée du capitule de l’office des Laudes de chaque dimanche de ce temps de préparation à Pâques.
Il s’agit d’un court extrait biblique tiré du livre de Néhémie. Revenus de l’Exil à Babylone, les habitants de Jérusalem expérimentent leur fragilité et leur manque de défense derrière des murailles mises à bas et qui restent à relever. Le prophète, qui comme tout prophète biblique est solidaire du peuple auquel il porte la parole de Dieu, les encourage en les invitant à placer leur confiance, et une confiance lumineuse, dans le Dieu de l’Alliance.
Expérience de notre fragilité, besoin de confiance. C’est une expérience collective que nous réalisons. Celle du peuple de Dieu qui se laisse interpeller et
guider par le Dieu qui le conduit toujours à la vie. Celle des «anawims», les hommes et les femmes qui, dans la simplicité du cœur, acceptent de placer leur
confiance en Dieu, que Jésus nous a appris à nommer « Père », dans une attitude filiale qui était sa force et sa joie.
Que va-t-il sortir de l’épreuve collective inédite que nous vivons actuellement ? Il est trop tôt pour le dire. Faisons-nous partie des hommes et des femmes intimement convaincus que notre société et nous-mêmes pouvons en sortir changés, grandis ; que la solidarité nationale qui s’est mise en place en quelques jours peut porter des fruits dans d’autres domaines ? Très certainement.
Nos deux armes actuelles pour cela : la prière et la parole ! Que mettons-nous d’espérance dans notre prière ? et que mettons-nous d’espérance dans nos paroles ?
Mais je dois l’avouer, dimanche dernier, j’ai fait une coquille. La citation de Néhémie 8,10 dit : « La joie du Seigneur est votre rempart ! ». Et voilà que j’ai repris la phrase à la première personne du pluriel. Très bien ! Inspiration féconde, erreur bénéfique : que cette phrase devienne notre cri de ralliement en ce temps d’épreuve, notre réponse à l’interpellation que la Parole de Dieu nous adresse, signe de toutes les réponses que nous aurons à lui donner dans les jours et les semaines qui viennent : « La joie du Seigneur est notre rempart ! »