Texte extrait de l’infolettre de Notre Dame de la Compassion de février 2020
par Jean-Pierre Demuyter
Quelle est donc l’origine de cette festivité, marquée surtout dans les esprits par la dégustation de crêpes ?
Plusieurs légendes s’entrecroisent pour répondre à cette question. Vous lirez ici la plus répandue.
Remontons le temps jusqu’au 4ème ou 5ème siècle. L’empire romain est encore vivace, et nombreux y sont les jours de fête !
Voici, entre autres, celle des Lupercales : nous sommes dans la première moitié de Februarius (février) ; en ce temps-là, c’est la fin de l’année ; c’est aussi la perspective d’une année nouvelle ; les jours sont porteurs d’espoir : ils rallongent, le printemps n’est pas loin, la nature se réveille. Fêtons donc tout cela par ces Lupercales ! Parmi les rites, des jeunes hommes, le front marqué du sang de bouc ou de chèvre que l’on vient de sacrifier au dieu Faunus, vont parcourir la ville, très sobrement vêtus ( !), et à coups de lanières découpées dans la peau de ces animaux, frappent les spectateurs qui se pressent pour les voir, particulièrement les femmes, dont la fécondité est censée assurée par ce moyen, qui libérerait les forces vitales de la nature étouffées par les conventions de la civilisation! Faut-il préciser que cette pratique tourne très rapidement en débordements licencieux ?
Nous voici en 494 ; l’empereur Constantin, qui décréta la liberté des cultes et reçut le baptême (à vrai dire, sur son lit de mort), est mort depuis quelque cent soixante ans, et l’Église a désormais une influence certaine ; sur le trône de Pierre, à Rome, siège le pape Gélase 1er (futur saint), dont on connaît plusieurs décisions (nous chantons encore parfois une litanie de sa composition). Dans son souci de contrebalancer les pratiques païennes en les remplaçant par des fêtes chrétiennes, il veut rayer les Lupercales de ces pratiques souvent immorales. Mais qu’inscrire au calendrier à leur place ?
Or la Loi de Moïse (la Torah) rappelle que le fils premier-né appartient à Dieu et doit être racheté (cf Ex 13, 11-13), et d’autre part que la femme qui vient d’accoucher doit attendre un certain temps pour être purifiée du sang qu’elle a versé (cf Lév 12) (1): ces deux rites sont ceux à la fois de la Purification de Marie, et de la Présentation de Jésus au Temple ; ce rite devait s’accomplir 40 jours après la naissance de l’enfant. Noël est le 25 décembre ; comptez 40 jours, et nous voici début février !
Gélase avait sa réponse ! Les festivités des Lupercales feraient place à la double fête chrétienne de la Présentation de Jésus au Temple et de la Purification de Marie le 2 février.
Notons que, sur sa lancée, il s’en prit aussi au dieu Faunus, dieu des champs et des forêts, de la fertilité et de la fécondité, fêté à la mi-février, et le relaya par…. la fête de saint Valentin, martyrisé sous l’empereur Claude II en 269, qui devint, le 14 février, le patron des fiancés et des amoureux.
Mais pourquoi les cierges en cette « festa candelarum » ?
Deux réponses possibles :
La première dérive de la tradition païenne : au temps des Lupercales, les paysans parcouraient les champs en portant des flambeaux pour solliciter des dieux une année fertile. La seconde rappelle la scène décrite par saint Luc (2, 29-32) : le vieillard Syméon célèbre en cet enfant qu’on lui présente la « lumière pour éclairer les nations ».
Et cette lumière, chaque fidèle l’emporte chez lui pour que le Seigneur éclaire sa maison et ses habitants chaque jour de l’année.
Enfin, pourquoi les crêpes ?
Là aussi, deux réponses possibles (sans doute parmi bien d’autres explications) : les Lupercales, célébrant le retour des jours plus longs, du soleil que ses adeptes qualifieront de « Sol invictus » (le Soleil invaincu), entrent dans les cultes solaires ; la crêpe, par sa forme circulaire et sa couleur dorée, rappelle cet astre et se dégustait en ces jours de fête. Mais on dit aussi qu’un jour le pape Gélase, en visite pastorale, fut reçu par une foule enthousiaste à qui, en remerciement, il fit distribuer des crêpes, friandises économiques et rapides à fabriquer. Ainsi serait née une « louable »- et agréable – tradition !
(1) Cette coutume perdurera jusqu’à nos jours : je lis encore, dans mon vieux Missel quotidien et vespéral, par dom Gaspar Lefebvre, édition de 1946, le rituel des Relevailles – que le concile Vatican II a simplifié en prévoyant une prière spéciale, à la fin du baptême, pour la maman – et aussi pour le papa, qui n’a pas été oublié cette fois !