L’Eglise n’a pas dit son dernier mot – Extraits du livre de Mgr Matthieu Rougé
La post-modernité a soif de la nouveauté du Christ. « Voici que je fais toute chose nouvelle », proclame le Ressuscité dans l’Apocalypse, « le livre de la vie quotidienne de l’Eglise » selon une belle formule du pape François. Encore faut-il que les chrétiens fassent le choix d’accueillir toujours plus profondément la nouveauté du Christ. Dans le récit de sa redécouverte de la foi, Jean-Claude Guillebaud avait mis en lumière la place de la volonté dans le choix de croire. Il fait de même dans son tout dernier essai à propos de l’espérance. « J’aimerais trouver les mots, le ton, la force afin de dire pourquoi m’afflige décidément la désespérance contemporaine. Elle est un gaz toxique que nous respirons chaque jour. Et depuis longtemps. L’Europe en général et la France en particulier semblent devenues sa patrie d’adoption. » Dans ce contexte morose, les baptisés tout spécialement ne peuvent se laisser aller à donner le spectacle du défaitisme. « La désespérance n’est pas mieux fondée que l’espérance. Elle n’est ni plus sagace ni plus stoïquement lucide. Elle participe plutôt, osons le dire, d’une manière de lâcheté. En effet, pour une communauté comme pour un individu, l’espérance n’est pas seulement reçue, elle est décidée. » Voilà qui rejoint la proposition du cardinal Lustiger : à une époque de multiplication des possibles, le choix de croire et d’espérer trouve paradoxalement un regain d’actualité. (pp. 251-252) (…) Je ne crois pas succomber aux sortilèges de la méthode Coué. S’il faut le répéter à nouveau, j’ai bien conscience de l’acuité de la crise spirituelle que nous traversons. Mais la foi au Christ mort et ressuscité, renforcée par les « signes des temps » qui nous sont incontestablement donnés, les appels du monde et des pauvres, ne permettent assurément pas de nous laisser aller au défaitisme. (…) Il nous faut aujourd’hui traverser le désert en nous appuyant sur la joie de l’oasis, préparer les baptisés non à une récolte minuscule mais à une moisson abondante (Mt 9, 37). Il ne s’agit pas de « réduire la voilure » par peur du présent ou du futur mais de hisser la grand-voile et le spi pour le Souffle que la brise est en train d’annoncer. (…) Beaucoup de nos contemporains n’attendent qu’un signe, qu’un témoignage, qu’une marque d’enthousiasme, au sens premier du terme, pour s’ouvrir à la Lumière qu’ils espèrent parfois confusément et avec impatience, dans la confiance ou dans la douleur. (pp. 254-255).
L’Église n’a pas dit son dernier mot. Robert Laffont, Paris, 2014