Notre intelligence, si grande soit-elle, est limitée ; elle a besoin de signes concrets pour accéder plus facilement aux grands mystères de notre foi. Ainsi en va-t-il pour les sacrements ; et la coutume de construire des crèches est peut-être née de ce besoin. C’est que l’Évangile ne nous dit pas grand-chose de la naissance de Jésus : rien chez saint Marc et saint Jean ; saint Luc écrit (2,7) : « Elle mit au monde son fils premier-né, l’enveloppa de langes et le coucha dans une mangeoire parce qu’il n’y avait pas de place pour eux à l’auberge » ; les mots grecs désignent, l’un une mangeoire, un râtelier pour les chevaux ou les bœufs, et le deuxième, l’endroit où on détèle son attelage ou défait ses bagages –une auberge, un « relais de poste » pour ainsi dire…. Saint Matthieu écrit seulement (2,11) que, plus tard, les Mages entrèrent « dans la maison ».
Ni chez l’un, ni chez l’autre, il n’est question d’animaux, témoins muets de la scène !Sur ce « pas grand-chose » l’imagination peut facilement s’envoler. Il faut cependant attendre 5 ou 6 siècles pour voir une « crèche » : c’est dans une église de Rome, et cette crèche est très simple : 5 statuettes -l’enfant, Marie et Joseph, un âne et d’un bœuf.
Selon la tradition, c’est saint François d’Assise qui « inventa » cette représentation de la Nativité dans une grotte de Greccio, où se dressait un ermitage franciscain ; les habitants du village jouent la Sainte Famille, les Mages et les bergers, et sont accompagnés d’un âne et d’un bœuf en chair et en os !
Peu à peu, sous l’influence de la prédication franciscaine, la coutume se répand, mais les personnages sont désormais des statuettes ; à Prague, au XVIème siècle, sous l’influence cette fois des Jésuites, on trouve dans les églises des crèches semblables aux nôtres.
La Révolution française, interdisant les cultes, va ironiquement contribuer à l’extension de la tradition : on va fêter Noël discrètement, à la maison, en famille, autour d’une modeste crèche.
C’est surtout en Italie et en Provence que la coutume s’étend rapidement ; dans cette dernière province, aux personnages traditionnels on ajoute les fameux santons (= « petits saints »), qui introduisent dans la crèche la vie quotidienne et les métiers régionaux : on verra ainsi le maire, le curé, le meunier…., et bien sûr le « ravi » (= le simplet du village).
Puis la coutume sort de l’Europe et gagne peu à peu les pays catholiques d’autres continents (particulièrement, l’Amérique du sud).
Qu’en penser ? Écoutons le pape François : la « crèche nous dit aussi qu’il ne s’impose jamais par la force. Pour nous sauver, Jésus n’a pas changé l’histoire en accomplissant un miracle grandiose, il est venu au contraire dans toute sa simplicité, son humilité, sa douceur. Dieu n’aime pas les pouvoirs imposants dans l’histoire, mais se fait petit enfant pour nous attirer avec amour, toucher nos cœurs de sa bonté humble ».
La crèche peut ainsi être une catéchèse sur le miracle de l’Incarnation, et un lieu de rassemblement de la famille pour une prière commune.La crèche nous rappelle concrètement la venue parmi nous du Prince de la Paix, comme nous le chanterons à Noël :
Douce nuit, sainte nuit,
Dans les cieux l’astre luit,
Le mystère annoncé s’accomplit,
Cet enfant sur la paille endormi,
C’est l’amour infini ! C’est l’amour infini !
Jean-Pierre Demuyter