11 novembre : 100 ans après…
par le P. François Marxer
Ma mère me racontait jadis les 11 novembre de son enfance de petite fille : toute la paroisse, et même toute la ville de Toul, était rassemblée dans sa Cathédrale – cette cathédrale qui serait ravagée par les flammes au printemps de 1940. Les âmes bruissaient de recueillement, soutenues par la puissance des orgues qui avaient des accents de triomphe. Et soudain, le silence devenait énorme, la grand-porte s’ouvrait, et la foule entrait, oh ! la petite foule des combattants, mais elle était immense : ils avaient avec eux leurs compagnons d’armes, eux les rescapés de la fraternité des tranchées. Le silence rugissait d’admiration et de reconnaissance, on n’entendait que la cadence des béquilles et des pilons de bois qui martelaient les dalles de la grand nef, on voyait les visages béants des « gueules cassées », les bras mutilés. Procession des regards qui se perdaient dans les collines et les plaines de l’Argonne et de Verdun, au Chemin des Dames ou aux Eparges… Et tous prenaient place dans le chœur, devant l’autel, offrant avec le curé archiprêtre, l’eucharistie des souffrances et des fiertés. Au memento des défunts, en entendant la Sonnerie aux Morts, tous avaient en tête des visages, des noms, des amitiés ; les larmes perlaient dans les regards… S’égrenait le souvenir des morts. « Celui qui n’a pas compris avec sa chair ne peut vous en parler », écrivait en 1920 un certain Jean Bernier.
Je voudrais que, 100 ans après, en mémoire de ces hommes-là dont nous pouvons dans nos familles évoquer le souvenir ou regarder les portraits si souvent graves, nous consentions – et ce sera le plus bel hommage à leur rendre – non seulement à exister, mais à vivre. A être vraiment des vivants. Ceux qui n’ont pas compris avec leur chair, ne pourront jamais entendre cela.